Aurélia MONACO a débuté sa carrière en tant qu’avocate fiscaliste, puis RH. Elle a changé de vie pour devenir coach et a fondé le cabinet Ici & Higher. Hypersensible, elle anime des formations, conférences et webinaires, très suivis, sur ce thème. Nous avons eu le plaisir de lui poser quelques questions à l’occasion de la sortie de son ouvrage J’assume mon hypersensibilité, aux éditions Gereso.
Quelles ont été vos motivations à écrire cet ouvrage ?
Avec mon livre, j’ai souhaité donner des clés de compréhension pour les hypersensibles que j’appelle, avec humour, « les hypersensibles contrariés », c’est-à-dire ceux qui ont une vie qui va à l’encontre de leurs besoins : soit parce qu’ils ignorent être hypersensibles, soit parce qu’ils essaient de coller à la « norme ».
J’ai cheminé ces dernières années pour adapter mon environnement à mon hypersensibilité et non plus « suradapter » mon hypersensibilité à mon environnement, et c’est ainsi que j’ai pu m’épanouir. Avant, je travaillais comme avocate fiscaliste dans un bureau. Aujourd’hui, ma sensibilité me permet de créer des vidéos et des accompagnements qui me portent.
Si tout hypersensible n’a pas forcément besoin de se reconvertir professionnellement, je souhaitais transmettre mon expertise et mes prises de conscience pour faire gagner du temps à d’autres personnes.
Vous dites dans votre ouvrage que l’on n’est pas hypersensible par hasard. Pourriez-vous développer ?
Je pense en effet que la vie est bien faite et que, si l’on est hypersensible, ce n’est pas un hasard. C’est une façon d’être au monde et, à mon sens, si l’on perçoit autant d’informations, c’est pour les exprimer et partager sa vision du monde.
Pour moi, les hypersensibles sont les garants du vivant ; mais, avant d’essayer de l’être, ils doivent accueillir ce vivant en eux, notamment en se reliant à leur corps.
On parle de plus en plus d’hypersensibilité, mais souvent sans vraiment savoir ce qu’il se cache derrière. Pourriez-vous nous éclairer ?
Effectivement. L’hypersensibilité va de pair avec une intensité dans la façon d’être au monde et d’avoir moins de filtres que la moyenne, comme je le préciserai après.
Dans mon livre, je donne une image : deux personnes regardent le soleil. La personne hypersensible va le voir – et le sentir – comme si elle ne portait pas de lunettes de soleil, quand l’autre personne, qui ne serait pas hypersensible, va regarder et sentir le même soleil, avec des filtres, et sera moins impactée – positivement comme négativement.
Quelles sont les caractéristiques de l’hypersensibilité ?
Je parlais d’intensité, et celle-ci va être présente à plusieurs niveaux :
Au plan émotionnel, l’hypersensible ressent plus intensément et plus longtemps ses émotions – même s’il a pu s’en couper par le passé…
Au niveau sensoriel, la personne hypersensible capte plus d’informations et est plus réactive aux stimuli sensoriels – internes comme externes ; on parle d’hyperesthésie. C’est le fait de capter plus d’informations au travers de ses sens.
Le sens le plus développé chez les hypersensibles est souvent l’audition, puis vient le toucher. C’est un spectre sensoriel élargi. Dans mon ouvrage, j’explique qu’il est important de développer sa conscience sensorielle pour éviter la surcharge quotidienne, qui mène à de la fatigue.
Également, il existe un traitement des informations en profondeur, avec un sens du détail, une forme de perfectionnisme et des valeurs fortes.
Est-elle innée ou acquise ?
Il est difficile de répondre à cette question !
Il semblerait qu’elle soit souvent innée, mais une étude récente réalisée avec des jumeaux, que je cite dans mon livre, montre que la sensibilité est à 53 % liée à l’environnement, contre 47 % liée à la génétique. Dans la pratique, de nombreuses personnes hypersensibles ont un parent ou des enfants hypersensibles. Ce qui est certain, c’est que le contexte de l’enfance va influencer considérablement la sensibilité : plus l’environnement a été bienveillant, plus la sensibilité sera accueillie et bien vécue.
À l’inverse, quand l’enfant a dû s’adapter à un environnement qui n’était pas sécurisant, l’hypersensibilité peut mener à une hyper-vigilance, avec une difficulté à autoréguler son stress une fois adulte.
On confond souvent l’hypersensibilité et le haut potentiel émotionnel, ou HPE. Quelles sont les différences ?
En effet, on peut être hypersensible sans être haut potentiel émotionnel, et inversement.
Le haut potentiel émotionnel est un terme qui vient nommer une intelligence émotionnelle, notamment confirmée par un test – test EQ-i. Cette intelligence émotionnelle est composée de 4 piliers.
Selon moi, un hypersensible a le potentiel pour développer son intelligence émotionnelle et être « haut potentiel émotionnel », mais ce n’est pas toujours inné, justement, car il reçoit beaucoup d’informations. C’est alors une compétence à développer, notamment en apprenant à nommer ses émotions, prendre des décisions, gérer son stress, etc. Je conseillerais de passer le test, puis de se faire accompagner sur les piliers qui sont les moins développés. Encore une fois, le terme haut potentiel émotionnel comme le terme hypersensible ne « servent » à rien si l’on ne comprend pas ce que cela cache derrière.
Quel est le rapport entre l’hyperesthésie et l’hypersensibilité ?
Les hypersensibles ont souvent une hyperesthésie, c’est-à-dire cette capacité à recevoir sensoriellement beaucoup plus d’informations que la moyenne.
Cela n’est pas forcément associé : il existe des hypersensibles qui vivent leur intensité plutôt au niveau émotionnel et moins au niveau sensoriel ; de même qu’il existe des personnes uniquement avec une hyperesthésie sans être hypersensibles. La nature humaine est riche et variée !
Pourquoi les hypersensibles sont-ils souvent des hyper-empathiques ?
Je ne saurais pas vous dire pourquoi, mais je pense que cela va de pair avec cette intensité et le fait de capter plus d’informations. Des études montrent que les hypersensibles ont des neurones miroirs plus actifs, ce qui leur permet de se connecter plus facilement et intensément aux autres. Cette hyper-empathie va faire qu’ils vont ressentir en eux ce que ressentent les autres personnes, voire l’énergie des lieux.
On parle « d’éponges émotionnelles » et il est alors essentiel de connaître et de poser ses limites.
Pourquoi dit-on souvent que les hypersensibles sont des créatifs ?
Parce qu’ils perçoivent ce que d’autres ne voient pas forcément, parce qu’ils ont souvent des pensées en arborescence, libres et vives. Ce sont des personnes intuitives, qui voient en grand.
Parce qu’ils sont sensibles aux arts, aux détails, à l’harmonie, au beau…
Pour moi, ce sont des visionnaires, qui, pour développer leur créativité, doivent avoir un environnement propice à cela, notamment au travail ; et, malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Je pense que les hypersensibles sont là pour penser en dehors des cases et créer d’autres possibles en faisant des liens nouveaux.
Assumer son hypersensibilité passe-t-il avant tout par l’estime de soi et la prise en charge de soi ?
Cela passe par la prise en charge de soi-même. En tant qu’hypersensible, on est souvent tourné vers l’extérieur, les besoins des autres. C’est important de repartir à l’intérieur de soi, de prendre conscience de sa valeur, de s’accepter avec ses qualités et ses défauts et de ne pas attendre d’être sauvé par l’extérieur. Je dirais que tout cela peut se résumer par le fait de devenir ses propres parents bienveillants, pour soi-même.
Auriez-vous quelques conseils à donner à nos lecteurs pour mieux assumer leur hypersensibilité ?
Je leur conseille de suivre le chemin que je propose dans mon livre, à savoir : comprendre leur fonctionnement, honorer leurs besoins, bien s’entourer, ne plus chercher à sauver le monde mais se sauver eux-mêmes, adapter leur environnement à leur sensibilité et trouver du sens à leur vie, car c’est essentiel pour eux.
Le mot de la fin ?
Je terminerai par la phrase avec laquelle je débute mon ouvrage : « Être hypersensible, c’est être hyper-vivant ! »