L’écologie relationnelle
La résignation n’est pas dans mon tempérament. Je fais partie des irréductibles réalistes optimistes, de ceux qui croient foncièrement que, dans notre monde en transformation profonde, nous pouvons agir, être proactifs pour qu’il fasse bon vivre demain.
Alors que le Conseil constitutionnel vient de censurer l’article 222 du projet de loi « égalité et citoyenneté », qui introduisait dans la définition de l’autorité parentale l’interdiction d’avoir recours aux violences corporelles envers les enfants, il me semble important de partager avec vous notre vision de cette grave problématique.
Chez Gordon, deux de nos sujets de prédilection sont bien entendu la façon dont nous nous adressons les uns aux autres et la violence. Nous connaissons maintenant les répercussions que peuvent avoir les violences physiques et verbales sur le développement de l’enfant. L’imagerie médicale et les neurosciences nous apportent même des preuves scientifiques irréfutables de l’impact des violences sur l’évolution du cerveau de l’enfant. Sans parler des conséquences non visibles, en matière d’estime de soi, de santé psychique et physique. Sans évoquer non plus du risque accru de reproduction des comportements violents par les enfants en grandissant et des effets sur notre société. Comment faire autrement, comment interagir sans violence quand ce sont par des mots violents ou des brutalités physiques qu’on nous a « éduqué(e) » ? C’est à la source qu’il faut travailler, et donc au niveau du premier lien social, celui entre parents et enfants.
Faire autrement qu’agir par la violence est possible. Encore faut-il être au courant qu’il existe d’autres moyens d’éduquer et d’accompagner nos enfants. Il faut marteler que la violence N’EST PAS NORMALE. Elle crée des dégâts parfois irréparables.
Et, en même temps, il est crucial de voir et d’admettre que de nombreux parents sont démunis et ne savent pas faire autrement.
Alors, pour que plus de parents apprennent à éduquer dans la bienveillance et la bientraitance, la première étape est de reconnaître officiellement que la violence n’est JAMAIS une solution.
La violence est avant tout la marque d’une impuissance.
Les parents et les enfants sont violents à défaut de savoir faire différemment. Changer sa façon de faire n’est pas facile. Il faut le vouloir, s’y atteler, parfois être accompagné. Mais l’enjeu est si important que nous devons tous nous en saisir. Il s’agit, dans les cas les plus extrêmes, de vies qui sont en jeu. Nous ne pouvons plus ignorer ces faits.
Quand il y a des actes violents à la maison, comment faire ?
Avant tout : ne pas accepter l’acte violent ET entendre le besoin inassouvi derrière.
Prenons un exemple courant de dispute dans la fratrie. Une petite fille de 7 ans a frappé son frère de 4 ans.
1- On signifie notre inacceptation. Si besoin et si l’on perçoit un danger, on sépare les enfants. On peut aussi leur proposer d’aller à 2 endroits éloignés dans la maison pour donner le temps aux émotions de descendre en intensité. « Stop. Julie, tu as tapé Max et, du coup, il pleure. Je ne suis pas du tout contente. »
2- Si besoin, écouter et accompagner l’enfant qui a mal et/ou pleure. « Tu as mal, tu es fâché que Julie t’ait tapé », etc. Attention à ne pas devenir violent soi-même en étiquetant et/ou jugeant l’enfant ayant tapé. Pas de « Julie, elle est pas gentille. » On n’est pas content du comportement de Julie : « Julie ne doit pas taper. » Mais on ne juge pas la personne qu’est Julie.
3- Une fois l’émotion retombée, entrer en dialogue avec l’enfant qui a tapé en formulant un message Je et en signifiant bien que l’on n’accepte pas le geste ET, EN MÊME TEMPS, on souhaite entendre le besoin insatisfait qui motive ce comportement.
« Je ne suis pas contente que tu aies tapé Max. Tu sais que je ne veux pas de violence à la maison. Et, en même temps, je vois bien que tu devais être très en colère. » Enfant : « Ben oui, il m’avait encore gribouillé mon dessin. Il fait exprès pour m’énerver. » Parent : « Tu en as marre qu’il gribouille tes dessins et tu ne sais pas comment faire pour qu’il s’arrête. » Je n’accepte pas ton comportement ET j’entends et j’accepte ton ressenti. Par l’écoute, je vais t’aider à cheminer vers d’autres moyens de l’exprimer et d’autres moyens de faire respecter ton besoin. Le besoin, ici en l’occurrence celui de respecter le dessin, est toujours absolument légitime. Ce qui n’est pas légitime, c’est d’en venir à la violence pour le faire respecter.
En échangeant avec l’enfant, il pourra penser à d’autres moyens – et nous pourrons l’aider – pour faire respecter son besoin. Par exemple, en ayant des temps calmes sans son petit frère pour s’adonner à certaines activités, ou en parlant aussi au petit frère et en lui disant combien c’est important de faire attention aux dessins, ou bien encore en trouvant un endroit protégé pour ranger les beaux dessins, etc. Il existe plein d’autres solutions.
En reconnaissant le besoin présent derrière l’acte violent, en acceptant le besoin et en signifiant notre inacceptation de cet acte, on ouvre la voie pour l’enfant à la compréhension qu’il y a d’autres solutions, d’autres moyens de faire. L’enfant se sent compris. Il peut avoir accès à d’autres ressources et apprendre à faire différemment. Il sort de l’impuissance et rajoute des cordes à son arc.
Il en est exactement de même
pour nous, parents.
Quand nous avons recours à des mots ou des actes violents, la CLÉ est : 1- de s’en rendre compte plutôt que d’ignorer leur survenance ; 2- de présenter ses excuses le cas échéant et de dire à l’autre combien nous sommes embêté(e) d’avoir agi comme cela ; 3- ET, EN MÊME TEMPS, de s’interroger sur le besoin insatisfait derrière cette réaction et de trouver les moyens de le faire entendre par l’autre/le conjoint.
Cela pourrait donner, après une altercation avec un adolescent qui aurait dérapé, quelque chose comme : « Tout à l’heure, je t’ai dit des choses qui ont dépassé largement ma pensée et qui ont pu te blesser. J’en suis vraiment désolée… Et, en même temps, c’est important pour moi que tu saches que je me sens parfois démuni(e) et perdu(e), et même en souci quand je vois que tu passes 8 heures sur ta console de jeux. » C’est ce qu’on appelle chez Gordon un message Je. Ensuite, on peut entrer dans un vrai dialogue. Pas facile, mais cela s’apprend.
Il sera parfois nécessaire d’être accompagné(e) pour sortir d’une violence répétitive. Mais c’est possible. Tous ensemble, partageons avec le plus grand nombre le fait qu’il y a d’autres façons de faire, d’autres façons d’exprimer son autorité et d’accompagner nos enfants, qui sont tellement satisfaisantes pour tous.
Le plus beau cadeau que je me sois offert est ma première formation Gordon, en 2003. Elle aura à jamais transformé ma vie, celle de mon conjoint et celle de ma famille. Alors, entrez dans la danse et partagez, pour que la violence dans les relations parents-enfants disparaisse, pour plus de paix.
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Beau printemps à tous,
Nathalie Reinhardt
Présidente Les Ateliers Gordon
www.ateliergordon.com
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À noter : Je traite dans cet article bien entendu de ce que nous appelons la violence éducative ordinaire. D’autres violences, plus aiguës encore, plus immédiatement dangereuses, nécessitent avant tout des mesures de protection immédiates avant de pouvoir espérer, peut-être, une reprise du dialogue. Intervenons. Sauvons des vies.