Les petits producteurs survivront-ils ?
Les filières équitables à défendre pour une rémunération juste !
« Petits producteurs » est un terme qui est entré dans le langage courant pour désigner des agriculteurs indépendants, propriétaires de parcelles cultivées dont ils dépendent majoritairement pour subvenir à leurs besoins. Pourquoi poser la question de leur survie à moyen terme ? Y a-t-il des raisons concrètes de s’inquiéter au sujet de la pérennité d’un modèle agricole vertueux qui sécurise dans le temps les filières paysannes ? Les petits producteurs survivront-ils non seulement aux crises économiques et environnementales, mais aussi aux exigences des marchés occidentaux ? Les données éthiques et économiques peuvent-elles être compatibles ? Le modèle proposé par le commerce équitable apporte une réponse incontestable à ces questions et, plus que jamais, ouvre des perspectives pragmatiques et transparentes pour construire un monde plus juste.
Des gens comme vous et moi
Les produits que nous consommons ne sont que l’aboutissement du travail d’un nombre considérable de personnes qui constituent les parties prenantes d’une filière. Agriculteurs et leurs familles, coopératives ou groupements de producteurs, exportateurs, importateurs, transformateurs, distributeurs, magasins détaillants, consommateur final, la liste est longue ! Ce que l’on peut espérer de mieux est que ces acteurs s’intègrent dans une chaîne de solidarité fondée sur des partenariats qui protègent et valorisent la place, le travail et les droits fondamentaux de chacun tout en préservant notre planète.
C’est à ce stade qu’intervient la notion de commerce équitable : le paysan n’y est pas une figure de l’ombre et la défense de ses intérêts y constitue une priorité. Pourtant, même si le rôle du producteur est essentiel en amont, car, sans lui, absolument rien ne serait possible, il est indéniablement le plus oublié et, de surcroît, il est souvent le plus vulnérable !
N’oublions pas que derrière le sucre, le café, le cacao et bien d’autres matières premières, il existe des gens comme vous et moi qui travaillent et luttent pour avoir un niveau de vie décent, qui rient et pleurent, souffrent et espèrent ; ils méritent, comme tout un chacun, de se loger correctement, d’envoyer leurs enfants à l’école, d’avoir accès à des soins ou, tout simplement, de vivre dignement.
Cette réalité mérite d’être rappelée car elle est inscrite d’une manière invisible dans un paquet de riz ou une tablette de chocolat…
Le commerce équitable : un modèle économique global
Le commerce équitable n’est pas réservé qu’aux pays du sud. En Europe, la notion de commerce équitable prend aussi de l’ampleur et l’on ne peut que s’en féliciter ; car, en encadrant la planification et la sécurisation dans le temps des prix et des quantités, il est possible de valoriser les filières paysannes en tenant compte de nombreux paramètres qui, s’ils étaient écartés, engendreraient toujours plus de précarité. Les critères environnementaux font également partie des points de contrôle, cela va sans dire !
Il faut souligner que, pour une transparence totale, chaque partie prenante doit être identifiée et contrôlée : ainsi, une filière équitable est constituée d’acteurs qui doivent tous rendre des comptes et être en conformité avec un cahier des charges, que l’on nomme un référentiel.
C’est, entre autres, grâce à ces contrôles et à cette transparence qu’un commerce équitable digne de ce nom préserve les intérêts des producteurs, souvent mis à mal par des négociants locaux peu scrupuleux.
Les « prix bas » sont-ils rémunérateurs ?
Voici concrètement l’objet d’une de nos inquiétudes car il faudrait substituer à la notion suspecte de « prix bas » (tout comme celle de « prix élevé », qui est contre-productive et ne bénéficie qu’à quelques-uns), la notion de « prix juste », à savoir un prix rémunérateur pour l’ensemble des acteurs. C’est à ce niveau qu’un paradoxe économique majeur se révèle : comment harmoniser la demande légitime des consommateurs d’acheter le moins cher possible avec celle d’une rémunération juste pour les petits producteurs ?
Dans un souci de cohérence globale, il est utile de s’interroger sur la compatibilité entre, d’une part, un travail d’accompagnement et de soutien aux paysans indépendants, demandant aux marques engagées dans le développement de filières de gros efforts administratifs et financiers, et, d’autre part, une approche du marché reposant sur la concurrence et la compétitivité.
Il faut donc s’assurer que les prix pratiqués ne soient pas élaborés en sacrifiant la rémunération des producteurs ni la santé financière des différentes parties prenantes, qui, en contractualisant et s’engageant sur le long terme, participent à la pérennisation de leur travail et de leurs conditions de vie.
Les petits producteurs victimes du climat
Nous voilà au cÅ“ur d’un autre débat, complexe et source de nombreuses polémiques : le conflit entre le local et l’international. Là encore, il faut se garder de faire trop de généralités. Savez-vous que les produits transformés locaux ont souvent un impact carbone plus élevé que des matières premières brutes importées ? Que le bilan carbone d’1 kg de bananes importées de Martinique est de 480 g, alors que celui d’1 kg de viande de bÅ“uf français culmine entre 10 et 18 kg de CO2 ?
Il est courant de trouver sur des forums des commentaires virulents contre certains produits alimentaires d’importation, notamment issus du commerce équitable, écrits sur des téléphones ou des ordinateurs fabriqués en Chine ! Difficile de se frayer un chemin devant tant de contradictions, alors même que les inquiétudes pour notre planète sont plus que jamais légitimes.
Les filières de petits producteurs construites sur des modèles économiques équitables, reposant sur l’agriculture biologique préservant, de surcroît, la biodiversité, sont des modèles bien plus vertueux qu’on ne l’imagine. Elles permettent aux agriculteurs de ne pas vendre leurs terres, leur évite d’aller nourrir la misère urbaine résultant de l’exode rural, tout en préservant leur environnement. On ne peut que déplorer que les changements climatiques provoquent de la misère, mais il faut savoir que l’inverse est tout aussi vrai.
Information, communication, responsabilisation
Tous nos actes d’achat impliquent notre responsabilité car, selon les cas, ils valident et renforcent tout autant une approche éthique des relations commerciales que l’exploitation du plus faible par le plus fort. Il n’y a pas de remède miracle et 2 axes se dessinent, de toute évidence, pour décider quelle approche sera priorisée : les consommateurs doivent s’informer, et les marques doivent communiquer sur les moyens mis en oeuvre pour préserver la dignité et l’intégrité des producteurs auxquels elles achètent leurs matières premières.
L’agriculture biologique et le commerce équitable constituent assurément des secteurs qui préservent notre planète et ceux qui cultivent la terre pour nous nourrir. Lorsqu’ils s’associent en un mariage heureux, c’est une démarche de progrès environnemental et social qui en résulte, pour un monde meilleur !