Nos arbres de vie sont longs et riches en événements. Ce sont des histoires personnelles, des rouleaux de film qui n’engagent que nous. Nous sommes le fruit de tout cela : une enfance, une éducation, des expériences, des failles, des fêlures, des ratés, des omissions. Des échecs, des drames, voire des tragédies, parfois. Ça, c’est bien sûr quand on voit le « verre à moitié vide » !
par Fériel Berraies
Thérapeute, sophrologue, chercheuse en sciences sociales
Mais ce que nous avons vécu n’est pas immuable, il ne doit pas nous définir à l’infini. Ce n’est pas une fatalité, c’est le passage nécessaire vers un meilleur ailleurs, un meilleur soi, une meilleure vie à construire.
Parce que la vie est et doit être ce que l’on en fait. Elle nous apporte autant qu’elle emporte bien des choses sur son passage. À nous seul de décider de subir sans se battre ou pas. Il n’en tient qu’à nous de savoir tirer un apprentissage, même de ce qui peut paraître injuste, insurmontable, terrible ou intolérable. Et ce siècle que nous vivons a amené son lot de tragédies pré- et post-Covid.
Nous ne sommes pas nos douleurs, nous ne sommes pas nos échecs. Nous ne sommes pas un passé. Nous sommes le lien du passé vers un meilleur devenir.
Après avoir été spectateur, redevenir acteur !
Nos histoires passées ne sont pas un conditionnement à l’infini. Et pour cela, il faut accepter de regarder son miroir intérieur, même si cela fait hyper mal. Sans lunettes déformantes, sans victimisation, et sans se voiler la face. Ne pas rester sur la peur et se réfugier dans notre zone de confort où le syndrome de l’évitement aurait une place royale. Car cela serait le corollaire du sauvetage de notre âme blessée ou tourmentée.
L’enfer n’est pas les autres, l’enfer est bien souvent nous. Parce que nous nous nourrissons de nos névroses, alimentées par cette impression de ne pas être à sa place ou d’être inapte dans une situation de vie donnée.
Entre fatalisme, conditionnement, déterminisme et libre-arbitre, comment opérer le déclic ?
La peur peut éviter le danger, mais elle est dangereuse car elle nous conforte dans la couardise et cette zone de confort qui nous empêche d’explorer le mieux.
Il est important de ne pas rester sur l’échec ou la douleur. De ne pas rester dans la peur d’avancer de crainte de reproduire les mêmes schémas, quitte à devenir des névrosés de la vie.
Alors, sans angélisme ni hyper-optimisme, tout en restant dans la réalité objective, même si tout n’est pas prédéterminé, nous pouvons aussi influer sur la qualité de notre vie, pour la rendre plus belle.
Et si on voyait la vie en rose ?!
Toute réalité objective digne de ce nom vous dira qu’il faut aussi comptabiliser nos bienfaits. Toutes ces belles choses que nous avons réussies, qui nous ont construits ; car nous sommes aussi des réussites, des avancées, des acquis, des revanches, des tremplins. Et il suffit d’y croire !
RÉSILIENCE quand tu nous tiens
Décider de guérir et avancer, c’est avant tout une histoire personnelle. Un genre de déclic improvisé que nous ne décidons pas toujours de façon consciente, mais qui est crucial pour opérer le changement.
Il faut bien sûr faire un deal avec son conscient et son inconscient et savoir respecter certaines étapes :
S’accepter tel que nous sommes
S’accueillir avec bienveillance
Lâcher prise de ce qui est douloureux et stérile
Savoir rebondir pour passer à autre chose
Et surtout tirer une leçon positive de ce qui a été une épreuve
La résilience résume toutes ces étapes. Venant du latin resilire (« sauter vers l’arrière », le fait de reculer pour mieux sauter), elle signifie l’aptitude à rebondir. La résilience est autant physique que psychologique. Ce terme médical a été médiatisé par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, puis repris et vulgarisé dans notre langage commun.
Un voyage personnel et solitaire
Tout dépendra de notre arbre de vie émotionnel et de la sévérité de l’effraction psychique que nous avons subie.
Nous pouvons tous guérir si nous le voulons ou pouvons de façon consciente… à quelques exceptions près.
La résilience existe en chacun de nous. C’est une stratégie qui nous permet de faire face aux épreuves. Elle est présente tant chez l’humain que l’animal.
Mais elle n’est pas innée pour autant, qualifiable ni quantifiable. La résilience n’est pas un coup de baguette magique. Même si l’on pense à dessein que la ressource est en nous et pas que chez le thérapeute ; quand on est face à un trauma violent, c’est plus compliqué.
Les repères ne sont pas les mêmes avec un trauma.
Beaucoup d’études sur le sujet renvoient à l’idée que, malgré les épreuves, il est possible de concevoir la reprise d’un nouveau développement de l’humain. Boris Cyrulnik a démontré le premier que même en étant un rescapé de la Shoah, on peut s’en sortir et prendre les choses « positivement ».
Bien sûr, cela a provoqué un tollé chez certains survivants ou rescapés tant l’horreur qui a été vécue est innommable. Pourtant, certains s’en sont sortis, dont Boris Cyrulnik…
Casser la spirale infernale de la douleur est une question de survie.
La facilité serait de se laisser aller, de se noyer dans la douleur et de ne jamais se relever.
Pourtant, cela reste une fenêtre d’espoir de guérison qu’il ne faut pas négliger et qui permet justement de rejeter le déterminisme absolu d’un trauma transgénérationnel qui vouerait à la souffrance à l’infini.
Je me suis beaucoup appuyée dans mes recherches en criminologie [Enfance et violence de guerre tomes 1 et 2, éditions L’Harmattan, 2015] sur la résilience des enfants soldats et ceux ayant vécu dans des situations de conflits endémiques pour faire ressortir justement cette capacité des enfants de guérir des situations les plus atroces.
Oui, il est possible de s’en sortir ET NOUS N’AVONS PAS LE CHOIX !
Dans certaines thérapies comportementales, dont la sophrologie, la force de guérison est en soi et le thérapeute ne fait qu’accompagner, sans jugement de valeur, sans coercition.
Plus intrusives, la psychiatrie, la psychanalyse, la psychothérapie restent les sciences médicales traditionnelles qui sont habilitées ; toutefois, les médecines douces, en amont, peuvent aussi aider en bonne intelligence.
Donner le temps à la plaie pour se refermer
La cicatrice est le rempart ultime qui rappelle que tout est question de temps et de pédagogie.
Comme lorsque nous nous blessons, nous devons donner le temps à la plaie de guérir ; c’est la même chose pour l’émotionnel. Nous avons tous une capacité de résilience, mais il faut respecter le temps de guérison, sous peine que la plaie ne se réouvre.
Même si nous continuons à respirer, cela ne signifie pas que nous vivons pleinement.
Il faut prendre en compte le rythme de chaque individu. Le déclic n’est pas inné, on ne naît pas résilient, on le devient. Et pour cela, il faut une politique.
Digérer l’épreuve
L’état de sécurité émotionnelle antérieur à l’événement est important. La qualité de l’affect et la nature de l’attachement quand on était enfant pèsent dans la balance, bien évidemment lorsque l’enfance se passe normalement.
Deux facteurs sont nécessaires pour minimiser l’impact d’une épreuve traumatique :
– L’acquisition d’un attachement sécure.
– L’aptitude à la mentalisation.
Dans la réalité
Les statistiques le prouvent : 2 personnes sur 3 les ont !
Une sur 3 a acquis un attachement insécure, qui rendra, en cas d’épreuve, la résilience difficile. Et 2 sur 3 ont acquis une aptitude à se défendre grâce à cet attachement sécure ; ce qui, en cas de malheur, rendra la guérison moins lente.
On ne peut y arriver seul
Votre aptitude à vous reconstruire viendra autant de la qualité de la thérapie que de l’environnement dans lequel vous allez évoluer.
Votre rebond sera essentiellement tributaire de la qualité du rapport que vous avez avec votre environnement. Par exemple, un enfant qui a été couvé, éduqué dans l’amour et la protection aura plus d’aptitude à la guérison qu’un enfant qui a un arbre de vie émotionnel vide ou en dents de scie. C’est la même chose pour l’adulte.
Le baromètre du stress sera déterminant
On ne s’y attend pas, mais c’est vrai. Plus vous êtes stressé, plus cela prendra du temps.
Votre environnement vous aidera… ou pas
Il faut être bien entouré et rechercher les personnes positives et lumineuses.
Avec des liens sociaux positifs, vous diminuerez l’anxiété et favoriserez ainsi la communication et l’épanouissement.
Changez votre miroir
Apprenez à mobiliser vos ressources intactes et saines en vous recentrant (je redeviens le héros principal de ma nouvelle histoire).
Changez votre regard en travaillant la confiance (vous vous reconnectez avec ces qualités qui vont vous aider à rebondir face à l’adversité), exprimez vos nouveaux besoins pour aller mieux. Faites une liste de ce qu’il vous faudrait faire « pour vous réparer », misez sur vos qualités et passez à votre nouveau moi. Retravaillez votre estime, ce n’est pas de votre faute et vous ne manquez pas de courage, même si vous avez subi, puisqu’aujourd’hui vous choisissez de réécrire votre histoire.
Cultivez des émotions positives pour activer des actions positives en sortant du déni et de la souffrance subie, vous vous autorisez une nouvelle chance…
Votre résilience viendra notamment de la bonne connaissance des techniques de gestion du stress et de la mise en place d’une bonne hygiène de vie.
Faites du sport, de la méditation, alimentez- vous sainement, faites-vous accompagner de façon régulière par la personne adéquate (attention, les médecines douces seules ne suffisent pas en cas de trauma, de stress post-traumatique ou de grande souffrance morale ; il faut faire appel à la médecine conventionnelle, qui vous orientera, surtout s’il y a une prise en charge chimique nécessaire).
Retrouvez les conseils de Fériel Berraies thérapeute :
www.feriel-berraies-therapeute.com
Sophrologue certifiée RNCP avec 7 spécialisations. Praticienne en hypnose ericksonienne. Chercheuse en sciences sociales, experte genre et auteure
Pour lui écrire : fbsophro@gmail.com