Une nouvelle tendance « feel good » fait de plus en plus d’adeptes : la biophilie.
avec Cyrille Schwartz
Expert en biophilie
Pour tenter d’en savoir plus, nous avons posé quelques questions à Cyrille Schwartz, expert en la matière.
Sur tous les fronts, il intervient dans des conférences sur cette thématique et participe à des événements pour sensibiliser le grand public et les décideurs. Il développe aussi deux start-up dans ce secteur : Corporate Garden (jardins d’entreprises) et Aura-urbaine (aquaponie en entreprise). Bref, pas le temps de déprimer !
Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce qu’est la biophilie ?
C’est le lien inné que nous avons avec la nature, le besoin d’être en contact avec elle et de vivre avec elle. Le design biophilique, ce sont donc tous les éléments qui vont permettre de recréer un lien direct ou indirect avec la nature. Grâce au design biophilique, la nature va intégrer les bâtiments par le biais d’éléments et de matières naturels, de végétaux ou encore d’animaux. Grâce au design biophilique, l’homme crée ou recrée un lien souvent perdu avec la nature.
« À chaque promenade dans la nature, on reçoit bien plus que ce que l’on est parti chercher. » John Muir (écrivain et naturaliste américain)
Quelles sont les différences avec l’écothérapie ?
L’écothérapie est avant tout une approche de développement personnel en interaction avec la nature, alors que la biophilie répond à un besoin de spatialisation de la nature pour notre bien-vivre.
Une approche thérapeutique versus une approche de design de nos espaces de vie et de travail avec au coeur le lien à la nature.
Pourquoi la biophilie est-elle si importante pour notre bien-être ? Que se passe-t-il dans notre corps quand nous sommes connectés à la nature ?
Elle agit en synthèse sur notre stress en diminuant notre pression artérielle et notre rythme cardiaque (Brown, Barton et Gladwell, 2013), sur nos performances cognitives en favorisant notre concentration et notre réactivité (Mehta, Zhu et Cheema, 2012), ainsi que sur nos émotions et notre meilleure perception du plaisir temporel et spatial (Parkinson, de Dear et Candido, 2012).
Mais, avant tout, c’est votre comportement qui vous fera bénéficier de ces bienfaits. L’idée du design biophilique est de répondre à notre besoin de nature, mais pas seulement au besoin de la voir, sinon de s’y connecter. Cela implique de s’en soucier, de s’en occuper. Les végétaux ne sont pas de simples accessoires décoratifs. Ce sont des éléments vivants avec lesquels vous cohabitez. C’est comme cela que l’on entretient son lien avec la nature et c’est là que les bienfaits se font ressentir sur notre corps et dans notre mental.
Comment atténuer les frontières entre l’intérieur et l’extérieur ?
Au préalable, il faut bien intégrer les 3 grandes composantes pour créer un espace biophilique : la présence physique de la nature, sa présence symbolique et sa présence abstraite.
1 : La présence physique : c’est la plus simple. Elle passe par la présence de végétaux, d’animaux, d’eau et de lumière.
2 : Le facteur symbolique : c’est-à-dire tout ce qui évoque la nature sans l’être. Cela passe par le choix des matières naturelles : le bois, le lin, le coton, etc., tout ce qui est synthétique est à proscrire. C’est aussi le choix des couleurs (vert, légumes…) et le choix des formes.
3 : la présence abstraite de la nature : c’est tout ce que l’on ressent quand on fait une promenade en forêt, dans un jardin ou un potager. Ce sont tous les ressentis liés à nos sens : le bruit de l’eau, que l’on peut reproduire avec une petite fontaine, par exemple, le gazouillis d’oiseaux que l’on ne voit pas, des bruits de feuilles… C’est aussi le fait d’attiser sa curiosité comme le fait la nature, en recréant des endroits mystérieux, comme un espace de refuge, un rocher qu’il faut soulever pour voir ce qu’il y a en dessous…
Concrètement, il faut conjuguer ces 3 dimensions pour atténuer cette frontière intérieur/ extérieur.

Après avoir gagné une compétition internationale fin 2019, UNStudio a conçu le design des nouveaux bureaux de JetBrains à Saint-Pétersbourg, un campus vert et immersif. L’objectif ? Faire la promotion de l’interaction et de la durabilité à travers une architecture toute particulière.
Des exemples concrets pour se reconnecter à la nature chez soi ?
Par exemple, pour créer un design biophilique dans sa salle de bains, cela passe par mettre une fougère de Boston – humidité/ombre –, mais aussi par le fait d’utiliser des produits naturels, par exemple des huiles végétales. Dans la cuisine aussi, et même le simple fait de mettre en évidence les fruits et les légumes sur le plan de travail ou sur la table à manger y contribue.
Quelles lumières installer chez soi pour mimer la nature ?
Les variations d’intensité de lumières et d’ombres qui changent dans le temps peuvent créer des conditions s’apparentant à la nature.
Vous œuvrez pour faire entrer la biophilie au bureau. Quels services proposez- vous ? Avez-vous des exemples concrets à citer pour se reconnecter à la nature au bureau ?
Nous installons, par exemple, avec Aura Aquaponie, des systèmes aquaponiques d’intérieur – les poissons nourrissent les plantes, qui, à leur tour, redonnent de l’eau propre aux poissons… Ce sont des éléments qui font beaucoup de bien car ils permettent d’observer la vie des végétaux et des animaux. C’est donc un très bon condensé des facteurs de biophilie. L’aquaponie, c’est la symbiose entre les poissons et les végétaux. Non seulement cela nous fait du bien, mais cela force aussi à réfléchir sur l’intelligence de la nature, son côté collaboratif. L’aquaponie est un système vertueux et durable qui donne à penser face à nos problématiques environnementales actuelles. Nous développons, avec GardenLink, des cloisons végétales et tableaux végétaux qui introduisent des petits végétaux dans le champ de vision des collaborateurs… Mais aussi des potagers d’entreprise, des jardins thérapeutiques…
En synthèse
Il y a un point important à garder en tête pour être dans l’esprit biophilique et se faire du bien : L’observation et la pratique, apprendre à observer la nature en continu. Mais aussi porter attention, nourrir, soigner, regarder, en profiter. Il n’est pas question de mettre de la nature chez soi et de l’oublier. C’est en prenant conscience de tout cela que l’on progresse, à titres personnel et collectif.
Pour en savoir plus : www.corporategarden.fr
www.aura-urbaine.com