Comprendre les addictions pour s’en libérer
Si, pendant longtemps, le terme « addiction » a été associé à l’alcoolisme, la toxicomanie ou au tabagisme, on observe depuis la seconde moitié du 20e siècle que les comportements sont tout aussi susceptibles que les substances d’entraîner une dépendance. Ainsi, la réalité clinique des addictions comportementales n’est plus à prouver. Addiction à la performance et à l’hyperactivité, dépendance affective ou à une relation toxique… sont autant d’addictions comportementales qui nous empoisonnent la vie et peuvent même conduire à la dépression. Nos experts nous apportent un éclairage sur certaines de ces nouvelles addictions et des solutions pour mieux les traiter ou les anticiper.
Le dossier du mois
La charge mentale,
une addiction au féminin
avec Laurence Bourgeois
auteur de plusieurs ouvrages sur le développement personnel
Difficile d’ouvrir un magazine sans entendre parler d’elle. Il faut dire que ce syndrome de l’hyperactivité au féminin, pouvant mener à l’épuisement, concerne de plus en plus de femmes, étouffées par un perfectionnisme domestique de plus en plus pesant.
Laurence Bourgeois, auteur de plusieurs ouvrages sur le développement personnel et qui vient de sortir un livre passionnant sur le sujet – Se libérer de la charge émotionnelle aux éditions Eyrolles –, nous dit tout sur les mécanismes de cette addiction au féminin (mais qui pourrait tout aussi bien concerner de plus en plus d’hommes).
Comment définiriez-vous la charge mentale, ou syndrome de Rosita ?
Le syndrome de Rosita se caractérise par un état de surchauffe, à la fois mentale et physique, lié à la gestion quotidienne d’une multitude de tâches, aussi bien au niveau professionnel que personnel. En règle générale, c’est à la femme qu’incombe la responsabilité de gérer non seulement le foyer, mais aussi « d’assurer » au travail. Rosita incarne cette femme surmenée du 21e siècle, tout autant épouse bienveillante que mère de famille dévouée, salariée modèle, véritable fée du logis, cuisinière hors pair…
Même si sa coupe est plus que pleine, force est de constater que Rosita maîtrise tout ! Mais cet état de surchauffe chronique doit susciter la plus grande vigilance car il peut conduire au désormais tristement célèbre burn out, ou à d’autres pathologies.
La femme du 21e siècle serait-elle devenue masochiste ?
On peut effectivement se poser la question ! Nous touchons ici du doigt le paradoxe du syndrome de Rosita : une aptitude à tirer sur la corde mêlée à une incapacité à agiter la sonnette d’alarme. À râler de devoir tout régenter sans oser demander l’aide de quiconque. À être consciente qu’il faut mettre la pédale douce, mais à continuer d’accélérer de plus belle. Vous vous reconnaissez sans doute là… Inévitablement, ce décalage entre ses aspirations et son train-train fait plonger Rosita dans l’amertume, la colère, voire la déprime. Pour autant, elle ne pense pas à déléguer – ou refuse de le faire – et continue d’absorber la surcharge quotidienne. Et, ce faisant, elle se fait du mal. Le pire, c’est qu’elle en est souvent parfaitement consciente !
Qu’avons-nous donc à prouver pour être devenues des accros à l’hyperactivité ?
Dans un monde fait de vitesse, d’exigence, de performance et de sursollicitations en tous genres, on en vient à trouver presque normal de mener plusieurs vies en une. Comme si, pour exister à la maison, pour être aimée de ses enfants, pour être reconnue et valorisée au travail, il était indispensable de vivre à mille à l’heure… Tous les jours, le stress prend place dans notre corps… et dans nos conversations. On s’épuise à courir après la perfection, mais la perfection existe-t-elle ?
Vous dites que cette hyperactivité correspond à la peur du vide. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
Quand l’hyperactivité s’avère chronique, elle correspond à un besoin de satiété non assouvi. Guidées par la culpabilité, la peur de décevoir ou de ne plus être aimées, nous nous fixons comme objectif – le plus souvent inconscient – de remplir la vie des autres : on chouchoute nos enfants, on panse les blessures de nos amis, on se met en quatre pour la famille, etc. Ce faisant, on ressent la satisfaction de se remplir soi-même. Rosita aurait pourtant tout à gagner à réaliser ses rêves, à dire non un peu plus souvent et, surtout, à lâcher prise !
Que craignons-nous autant pour être dans l’hyper-contrôle permanent ? Est-ce la peur de nous sentir vulnérables ? de perdre le pouvoir ? de nous montrer sous notre vrai visage ?
L’hyper-contrôle sur les personnes et les choses qui nous entourent offre un haut degré de sécurité. Et Rosita adore la sécurité ! Prise dans la routine, elle répète chaque jour les mêmes gestes, pense aux mêmes choses, pour les mêmes personnes. Sortir de sa zone de confort la paralyse, puisque c’est prendre le risque de ne pas savoir, de se sentir vulnérable, et, par voie de conséquence, d’avoir la perception d’être moins appréciée. Par ailleurs, même si elle râle, Rosita adore tout régenter. Quelque part, perdre la maîtrise sur les choses, ce serait pour elle perdre du pouvoir… et se détacher de l’image de la femme parfaite qu’elle cherche à atteindre.
Vous proposez un programme sur une semaine pour guérir du syndrome de Rosita. Est-ce suffisant pour se libérer de la charge mentale ?
J’ai construit mon ouvrage comme un parcours thérapeutique sur 7 jours, la semaine étant rythmée par des diagnostics et des remèdes permettant de sortir rapidement la tête de l’eau, le week-end étant consacré au bilan et à l’intégration de nouveaux mantras ou leçons de vie. Mais, soyons clairs : il n’est pas question de vous faire des « surpromesses » car les symptômes du surmenage ne disparaissent jamais complètement – certaines contraintes quotidiennes sont impossibles à supprimer – et, surtout, pas du jour au lendemain ! En revanche, je suis convaincue que, grâce à mes remèdes, Rosita tirera son épingle du jeu et stoppera la machine avant qu’il ne soit trop tard. D’ailleurs, à la fin de l’ouvrage, vous constaterez qu’elle a réussi quelque chose de formidable : changer d’état d’esprit !
Quels conseils pratiques donneriez-vous à nos lectrices pour baisser un peu la garde et lâcher prise ?
Se recentrer sur l’essentiel – après tout, n’estce pas ce qui compte vraiment dans la vie ? –, être capable de s’offrir ce qu’on donne aux autres, s’accorder le droit d’en faire moins, déléguer plus souvent, baisser son niveau d’exigence tout en augmentant son seuil de tolérance, et, surtout, se dire qu’après tout, si ce que nous faisons n’est pas parfait, cela n’est pas si grave !
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