Dans un monde où tout va de plus en plus vite, le marcheur fait incontestablement figure de résistant. Randonneur, philosophe, pèlerin ou sportif, les raisons qui poussent chacun à marcher sont multiples : désencombrer son existence et son esprit, se ressourcer et s’alléger au contact de la nature, mais, surtout, se sentir bien réel, présent et vivant.
À l’occasion de la sortie de son livre Marcher pour se (re)trouver, nous avons eu la chance de poser quelques questions à Odile Chabrillac, naturopathe et psychothérapeute, marcheuse passionnée, qui a notamment arpenté un des chemins de Compostelle.
Bonjour Odile, qu’est-ce qui vous fait marcher autant ?
La joie et le sentiment d’être simplement vivante que le fait de marcher m’apporte. Pour moi, il s’agit d’une activité simple, qui est un moyen de concilier corps et esprit en harmonie. Et même si je pratique et apprécie de nombreux sports, pour moi, la marche va plus loin et me ramène à un état d’être engagé dans la vie et serein.
Quelles ont été vos motivations pour l’écriture de cet ouvrage ?
À force de marcher, j’ai pris conscience que la marche est beaucoup plus qu’une pratique sportive. C’est une vraie manière d’être au monde, dans toutes les dimensions de celuici. Il s’agit en fait d’une technique de développement personnel, grâce à laquelle nous nous questionnons et évoluons à de multiples niveaux.
Vivre debout et en mouvement, est-ce une nécessité que nous avons un peu – ou beaucoup – perdue ?
Oui, pour les 2 termes. Vivre debout, c’est se positionner face au monde, le regarder, voire même être prêt à l’affronter si nécessaire. Quant au mouvement, il est une condition intrinsèque de l’existence, de la vie. Dès que l’on s’arrête, dès que l’on se recroqueville sur soi, on s’éloigne de son flux…
La marche, est-ce une activité ou une fin ?
Les 2 et c’est pour cela qu’elle est tellement intéressante. On peut marcher pour marcher, mais on peut aussi marcher pour se rendre quelque part. Et puis, finalement, on finit par marcher pour exister. Se sentir vivant. À la fois à l’intérieur de soi et au coeur du monde.
Pourquoi la marche est-elle souvent associée au pèlerinage ?
Parce que de très nombreuses religions l’ont mise à l’honneur. Car il s’agit d’un moyen simple, accessible à tous, par lequel, petit à petit, notre personnage social se déconstruit afin d’aller profondément en soi. Se perdre pour se retrouver à un autre niveau, plus essentiel, voire plus spirituel.
La marche, une activité à pratiquer seul ou à plusieurs ? En conscience ou en mode lâcher-prise ?
L’intérêt de la marche, c’est qu’il n’y a pas de bon mode d’emploi. On fait comme on aime, on fait comme on sent. La marche est synonyme de liberté. Donc, on peut la décliner sur tous les modes, au singulier comme au pluriel.
Quels bienfaits vous apporte la marche ?
J’adore la marche car il s’agit d’un loisir engageant pour le corps – j’aime la fatigue de la fin de journée lorsque j’ai suffisamment marché –, tout en m’amenant à déconnecter mon mental. Parallèlement à cela, si je peux m’y livrer en pleine nature, c’est encore mieux car je bénéficie d’un environnement salutaire pour mon bien-être, d’une immersion au vert.
Peut-on réellement considérer la marche comme une thérapie ?
Je ne sais pas si toutes les marches peuvent être considérées comme des thérapies – la marche d’un soldat en campagne, pas forcément. Mais si l’on marche dans un certain environnement, avec des personnes bienveillantes, si l’on ne parle pas trop, la marche favorise un retour vers soi-même qui, parfois, permet de voir plus clair en soi. Ensuite, certaines marches sont organisées avec un dessein réellement thérapeutique, avec un cadre, un thérapeute présent ; elle peut alors conduire vers une évolution de la psyché.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples de marches et leurs spécificités ?
La marche nordique est une manière de marcher plus dynamique que la randonnée, qui mobilise l’ensemble du corps en accentuant le mouvement de balancier des bras grâce à l’utilisation de 2 bâtons. La marche aquatique consiste à marcher en milieu aquatique avec un bon niveau d’immersion, c’est-à -dire avec une hauteur d’eau située entre le nombril et les aisselles (au minimum au-dessus de la taille en tout cas), avec ou sans pagaie. Lors de la cani-rando, on est tracté par un chien, celui-ci étant relié à nous grâce à une longe accrochée à une large ceinture, tout en le guidant par la voix et des gestes.
Qu’est-ce que la méditation marchée ? Comment procéder ?
L’objectif en méditation marchée est de marcher lentement, très lentement, au rythme de la respiration, de l’inspiration et de l’expiration. Le pied se lève légèrement, on pose le talon en premier, puis on déroule la plante des pieds jusqu’aux orteils au fur et au mesure que l’on expire. C’est comme si l’on s’ancrait de plus en plus fermement au sol. Une pause très courte se fait. Et, au début de l’inspiration, on passe à l’autre pied…
Vous dites que la marche est finalement un chemin vers soi-même. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
Je pense que nous nous sommes tous construit une identité sociale sous diverses influences extérieures – notre famille, la société, les médias. La marche, parce qu’elle nous laisse face à face à nous-même, nous incite à réfléchir, voire à déconstruire certaines de ces croyances. En outre, dès que l’on perd un peu de temps, on s’éloigne du chaos du monde, on est face à soi-même, préoccupé par l’essentiel : manger, boire, se reposer. Des choses qui nous semblaient avoir de l’importance en ont de moins en moins. On reconsidère sa vie, ses priorités, ses choix, ses envies…
Auriez-vous quelques conseils pratiques pour se mettre en marche et partir du bon pied ?
Acheter de bonnes chaussures et partir sur un chemin, même urbain, qui nous plaît. Ne pas viser l’exploit, mais plutôt la beauté. Voire même la facilité. Au début, cela doit nous sembler facile, naturel. Au fil du temps, on peut ajouter de petits challenges. Il y a quelque chose de l’ordre du jeu dans la marche : on est toujours surpris de ce que l’on est capable de faire, en général nettement davantage que ce que l’on croit. L’aventure est au coin de la rue pour qui aime marcher…
Pour aller plus loin :