La plus ancienne trace écrite de l’utilisation médicinale du charbon végétal remonte à environ 1550 avant J.-C., dans le papyrus d’Ebers – l’un des plus anciens traités médicaux connus –, dans lequel il est préconisé comme antidote universel. Les bois calcinés de bouleau et de peuplier ont, en effet, très vite été connus comme capables d’absorber les molécules toxiques.
La notoriété arrive au XIXe siècle avec le charbon de Belloc, du nom de Camille Belloc, petit-fils de Jean-Jacques Belloc (1730-1807), chirurgien et créateur de la médecine légale en France, et fils de Barthélémy Belloc (1777-1812), chirurgien de l’école de médecine de Paris. Il est né en 1807 à Agen et hérita de la passion de ses illustres ascendants pour la médecine. Devenu médecin militaire (chirurgien aide-major au 5e régiment de dragons), il est guéri de graves troubles gastriques contractés durant une campagne en Algérie par le charbon de peuplier, déjà traditionnellement employé comme adsorbant et purifiant.
En 1848, il élabore la formule du charbon de Belloc et fait connaître les mérites du charbon végétal dans le Journal de médecine de Bordeaux. Il obtient l’avis favorable de l’Académie nationale de médecine en 1849 pour sa commercialisation.
Du décès du Docteur Camille Belloc en 1876 jusqu’à aujourd’hui, le charbon de Belloc continue à être mis à profit pour soulager les ballonnements et les gaz digestifs. Au fil des années, la formule a évolué. En effet, la matière première du charbon de Belloc, autrefois le peuplier, a cédé la place à la coque de noix de coco, plus performante dans ses capacités d’adsorption. Le procédé de fabrication a également été constamment amélioré afin de répondre aux exigences de qualité et de sécurité inhérentes à tout médicament moderne. Enfin, la formule contient du charbon 100 % d’origine végétale.
Le début du XXe siècle marque l’utilisation de nouveaux procédés de fabrication et l’apparition de remèdes alliant le charbon végétal actif à d’autres composants. C’est le cas d’Eucarbon. Ce médicament est créé à Vienne en 1909 par le Dr Wolfgang Pauli et le pharmacien Franz Trenka.
Leur objectif : mettre au point un laxatif et un détoxifiant intestinal, uniquement à base d’ingrédients d’origine végétale. La recette comprend, en plus du charbon végétal de bouleau, de la feuille de séné et un extrait de racine de rhubarbe pour leur pouvoir laxatif, des huiles essentielles de menthe et de fenouil pour calmer les douleurs intestinales, les spasmes, et donner bon goût au médicament.
Eucarbon est vendu dans plus de 50 pays par des distributeurs locaux (et via Internet pour le reste du monde), toujours avec le même emballage jaune voulu par Franz Trenka : dans la tradition chinoise, cette couleur est liée aux affections gastro-intestinales.
Après la Seconde Guerre mondiale, le produit fut moins en vogue. Néanmoins, aujourd’hui, de nombreux fabricants de compléments alimentaires l’ont dans leur catalogue. Le cas échéant, ils y associent des probiotiques, de la propolis verte, tandis que, pour sa fabrication, on a aussi recours à la noix de coco et à la bourdaine.
Une capacité d’adsorption exceptionnelle
Le charbon végétal activé doit ses propriétés à son incroyable capacité d’adsorption en raison de sa surface extrêmement poreuse (un peu comme une éponge) à l’échelle microscopique : par un phénomène physique, les ions négatifs des contaminants se fixent fermement à la surface du charbon. La « surface spécifique » correspond à la surface réelle de pores disponible et mesure donc la capacité d’adsorption du charbon. Par exemple : un charbon végétal activé avec une surface de 1 600 à 1 800 m2/g, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée, dénote un charbon de qualité rare, extrêmement efficace, même en faible quantité, pour adsorber tous types de polluants et impuretés.
Au début du XIXe siècle, cette qualité a été mise en évidence lors de deux démonstrations des plus spectaculaires.
En 1813, le professeur Bertrand, chimiste, ingère une dose d’arsenic suffisante pour tuer 150 personnes, devant un public estomaqué.
Mais, ayant aussi absorbé du charbon végétal, il ne ressent aucun symptôme d’empoisonnement. En 1831, le pharmacien Touéry fait à son tour une démonstration devant l’Académie de médecine de Montpellier, en avalant 10 fois la dose létale de strychnine ; le résultat est le même. Le charbon végétal est une pompe antipoison efficace, qui peut absorber par exemple, 178 fois son volume en ammoniaque.
BON À SAVOIR AVANT D’ACHETER VOTRE CHARBON
Optez pour le charbon de bambou (appelé takesumi) plutôt que le charbon de bois, ce qui permet de participer à la lutte contre la déforestation et l’effet de serre. En effet, alors que le bambou arrive à maturité dès l’âge de 3 à 5 ans, il faut entre 20 et 50 ans à un arbre pour devenir adulte. De plus, de leur vivant, les bambous stockent davantage de carbone et libèrent plus d’oxygène que le bois.
À NE PAS SURTOUT PAS CONFONDRE
Ne confondez pas le charbon végétal activé et le charbon de bois destiné à votre barbecue ! La capacité d’adsorption est bien moindre pour ce dernier, qui peut même contenir des résidus potentiellement toxiques.