Pour vivre pleinement l’amour, il est important de prendre soin de soi et de son microbiote vaginal, eh oui ! Nous avons eu le privilège de poser quelques questions au Dr Jean-Marc Bohbot, médecin infectiologue spécialiste des infections génito-urinaires, Directeur médical à l’Institut Alfred Fournier, à Paris. Il a co-écrit l’ouvrage Prenez soin de votre microbiote vaginal avec Rica Étienne, journaliste santé.
avec Dr Jean-Marc Bohbot, médecin infectiologue
et Rica Étienne, journaliste santé
Parlons tout d’abord sémantique : pourquoi est-on passé du terme « flore vaginale » à « microbiote vaginal » ?
Les deux termes sont synonymes et peuvent s’employer indifféremment. Le terme microbiote est plus « scientifique » et renvoie plus à la notion de « microbes ». Mais on peut utiliser les deux. Parler de flore plutôt que de faune ou de microbiote comme on le désigne plus scientifiquement aujourd’hui, ce n’est pas pour faire joli mais parce que, à l’époque, les bactéries étaient classées dans le règne végétal. Aujourd’hui, elles le sont dans leur propre règne. Voilà pour la référence botanique. Dans la même logique, on parlait aussi de flore intestinale ou de flore cutanée…
Quels liens entre les microbiotes intestinal, cutané et vaginal ?
La plupart des microbiotes de l’organisme sont connectés. Leur composition diffère d’un organe à l’autre, mais ils exercent une influence sur leurs voisins par des médiateurs chimiques qui agissent sur l’inflammation ou l’immunité. Cette notion d’interdépendance est capitale à prendre en compte en cas de pathologies comme certaines infections vaginales ou urinaires, dont l’origine peut être un déséquilibre du microbiote intestinal, par exemple.
En quoi l’accouchement influence-t-il notre microbiome ?
Pendant l’accouchement, le bébé est en contact avec le microbiote vaginal de la maman, mais aussi le microbiote de la région vulvaire et le microbiote digestif en raison de la proximité du rectum. Cette richesse du microbiote contribue à l’établissement d’un microbiote intestinal équilibré chez le nouveau-né. En cas d’accouchement par césarienne, il n’y a pas ce contact avec les microbiotes maternels et donc le microbiote intestinal de l’enfant est plus pauvre. Néanmoins, et surtout si la maman allaite son enfant, le bébé retrouve un microbiote équilibré au bout de quelques mois de vie.
Quelles sont les grandes familles de bactéries présentes dans le microbiote vaginal ?
60 à 80 % du microbiote vaginal de la femme adulte non ménopausée sont composés de bactéries appelées lactobacilles car elles ont la faculté de produire de l’acide lactique. Cet acide lactique permet de maintenir le vagin à un pH bas – compris entre 3,5 et 4,5 –, ce qui empêche le développement d’autres bactéries. Mais les lactobacilles ont bien d’autres propriétés, qui en font un élément essentiel de la bonne santé vaginale. À côté de ces lactobacilles, on trouve d’autres bactéries comme des gardnerella vaginalis, des staphylocoques, des streptocoques… qui ne sont pas agressifs tant que le microbiote est équilibré. Le microbiote vaginal contient également des champignons microscopiques – levures – et des virus qui sont moins bien connus.
Comment en prendre soin ?
Tout ce qui peut agresser les lactobacilles : antibiotiques prolongés, hygiène intime avec des produits antiseptiques… peut déséquilibrer le microbiote vaginal. Par ailleurs, les lactobacilles se développent grâce à un sucre présent dans les cellules vaginales : le glycogène. La quantité de glycogène est totalement dépendante de la concentration en oestrogènes, l’hormone féminine dominante. S’il y a moins d’oestrogènes, en cas de ménopause, par exemple, il y a moins de glycogène et moins de lactobacilles. À noter que le tabac diminue le taux d’oestrogènes dans le sang et représente donc un ennemi majeur du microbiote vaginal.
Ainsi, pour avoir un « bon » microbiote, il faut arrêter impérativement le tabac, utiliser un produit d’hygiène intime dédié et ne pas hésiter à ingérer des probiotiques en cas de prescription d’antibiotiques. Au moment de la ménopause, la prise de probiotiques régulière accompagnée ou non d’ovules ou de crème vaginale à base d’œstrogènes est très utile pour limiter les phénomènes de sécheresse, de douleurs lors des rapports sexuels ou les infections.
Le pH de notre vagin est le reflet de son état. Comment le mesurer ?
Le bon pH vaginal se situe entre 3,5 et 4,5. C’est le gynécologue qui peut faire cette mesure en utilisant un papier pH spécial sur lequel on dépose une goutte des sécrétions vaginales.
Comment les antibiotiques impactent-ils notre microbiote vaginal ?
Beaucoup de familles d’antibiotiques agressent les lactobacilles et, parfois même, les font disparaître. Le microbiote vaginal est donc déséquilibré. Certains antibiotiques favorisent également la multiplication des levures microscopiques qui colonisent à l’état naturel le vagin et provoquent ainsi une mycose.
Dans quel cadre faut-il prendre des prébiotiques et probiotiques ?
Dans tous les cas où un déséquilibre du microbiote se manifeste : en premier lieu les infections vaginales, mais aussi les cystites. De plus en plus de travaux ont montré l’utilité des probiotiques en prévention des récidives de ces infections, à condition d’utiliser les bons produits – le conseil d’un professionnel de santé est capital… – et de faire des cures suffisamment longues, de plusieurs mois.
La question qui vous tient à cœur ?
Des problèmes gynécologiques ou urinaires sont parfois liés à des désordres de microbiotes plus éloignés : intestin, périnée… Il faut donc envisager une prise en charge globale de la santé de la femme, même si les symptômes se situent dans la sphère uro-génitale. Il s’agit d’une approche nouvelle, surtout pour les infections récidivantes.
Le mot de la fin ?
Les probiotiques ne peuvent pas tout résoudre. Il faut bien expliquer aux femmes l’implication de tous les microbiotes environnant la sphère génitale. Prendre soin de son vagin passe aussi par une alimentation saine, un peu d’exercice physique, un arrêt du tabac, une hydratation régulière et une hygiène intime adaptée…
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