Les oestrogènes, hormones de la féminité par excellence
Les oestrogènes sont essentiels à la vie. Ils le sont pour la différenciation sexuelle, la fécondation et la maternité, bien sûr ; mais ils ont aussi de nombreux et importants autres rôles qui expliquent pourquoi leur manque, à la ménopause, peut s’exprimer par de multiples symptômes invalidants.
Quand tout s’arrête…
La ménopause correspond à l’arrêt des règles, avec une chute assez brutale de la production d’oestrogènes. Alors que cette interruption définitive des règles passe presque inaperçue, parfois, elle est vécue comme un soulagement pour certaines, d’autres femmes étant confrontées à une grande perturbation de leur confort de vie, à plus d’un titre. Bouffées de chaleur, prise de poids, fatigue, troubles de l’humeur et du sommeil, sécheresses vaginale, cutanée et de toutes les muqueuses ne sont que quelques exemples des tracas potentiels qu’une femme peut rencontrer lors de ce passage obligé.
Les phyto-oestrogènes, kézako ?
Certaines femmes préfèrent ne pas avoir recours à un traitement hormonal de substitution, que ce soit pour des raisons personnelles ou en cas d’antécédents individuels ou familiaux de cancers hormonaux-dépendants. Elles peuvent alors avoir envie de recourir à des choses plus naturelles, notamment les phyto-oestrogènes, composés chimiques produits par certains végétaux et qui ont des effets oestrogéniques. Ils ne sont pas à proprement parler des oestrogènes, mais leur structure en est proche, ce qui leur permet de se fixer sur leurs récepteurs. On parle d’effet oestrogène-like.
Mais où sont-ils ?
Les phyto-oestrogènes sont des composés présents dans environ 300 plantes. On peut les regrouper en 4 grandes familles :
- Les isoflavones : leurs effets sont les plus étudiés et les mieux connus. Les principaux sont présents dans les légumineuses (soja, lentilles, pois, etc.), mais aussi dans le thé, la sauge et le fenouil. Cependant, c’est leur utilisation (et conversion) par le microbiote en molécules actives (génistéine, daidzéine, glycitéine…) qui permet leur efficacité.
- Les favonones (prénylnaringinine, resvératrol) : ils sont présents dans le houblon, qui semble avoir le plus fort pouvoir oestrogénique, grâce à la prénylnaringinine qu’il contient.
- Les lignanes : surtout dans les céréales, les graines de lin, le son, le seigle, le sarrasin, le millet, l’avoine et l’orge. Ils sont également convertis par certaines bactéries intestinales en phyto-oestrogènes actifs (entérodiol et entérolactone).
- Les coumestanes (dont le coumestrol) : dans la luzerne ou le trèfle rouge.
Les phyto-oestrogènes ne sont pas des oestrogènes !
Ils constituent la forme la plus connue d’alternative dans la prise en charge des symptômes liés à la ménopause. Cependant, il serait faux de croire que ce sont de vraies hormones. Leurs effets sont en moyenne 1 000 fois moins prononcés que ceux des oestrogènes.
C’est principalement pour cette raison que la consommation du soja a longtemps fait frémir (et continue) toute personne ayant ou ayant eu un cancer du sein. Et ce à tort. En effet, les phyto-oestrogènes sont des modulateurs des récepteurs aux oestrogènes. Selon les organes, ils vont se lier à des récepteurs différents et vont avoir des effets différents. Ils vont être parfois légèrement oestrogéniques et, parfois, anti-oestrogéniques selon l’organe et le récepteur.
Le microbiote, encore lui !
Les femmes asiatiques sont de grandes consommatrices de soja et semblent beaucoup moins souffrir de cancer hormono- dépendant que les Occidentales, et ce même quand ces dernières prennent des compléments de phyto-oestrogènes. Une des pistes très sérieuses résiderait dans la composition du microbiote. En effet, la plupart des phyto-oestrogènes sont liés à des sucres et seuls 5 % d’entre eux se trouvent sous forme assimilable par l’organisme.
Pour être actifs, les phyto-oestrogènes doivent être « décrochés » de cette partie glucidique et transformés en composés biologiquement actifs par certaines bactéries du microbiote. Ces bactéries en question sont capables de produire des glycosidases, qui vont hydrolyser la génistéine et la daidzéine en molécules actives. Il semble que seules 30 % des femmes possèdent ces bactéries. Mais, bonne nouvelle, apporter des pré- et probiotiques augmente la biodisponibilité. Inversement, mettre des phyto-oestrogènes au menu favorise le développement d’un microbiote capable d’absorber les phyto-oestrogènes. C’est aussi ce qui explique pourquoi les Asiatiques répondent mieux au soja.
Non, le soja n’augmente pas le risque de cancer du sein, bien au contraire !
Alors que de nombreux professionnels de santé continuent d’interdire toute consommation de soja en cas de cancer du sein ou d’antécédents, les données scientifiques vont dans un tout autre sens. De nombreuses études montrent même un effet protecteur, même en cas d’antécédent de cancer du sein (baisse de mortalité allant jusqu’à 25 % et diminution de récidive d’environ 35 %).
Voici ce qu’affirme le Dr Jean-Michel Lecerf, de l’Institut Pasteur de Lille : « Chez les femmes qui consomment du soja tout au long de leur vie, notamment dans l’enfance et dans l’adolescence, le risque de cancer du sein semble réduit. Chez les femmes ménopausées, atteintes de ce cancer et sous traitement, ou ayant eu ce cancer, la prise de soja réduit le risque de mortalité et de récidive. Au regard des données les plus récentes, on ne peut plus en douter. »
Comment a-t-on pu se tromper à ce point ? Tout simplement parce que l’on s’est arrêtés au fait que des phyto-oestrogènes puissent potentiellement augmenter la charge en oestrogènes. En réalité, leurs mécanismes sont maintenant bien mieux compris. Ils la modulent et sont capables de limiter l’effet des récepteurs aux oestrogènes sur certains organes, notamment au niveau du sein et de l’utérus.
Quelle est alors la stratégie gagnante ?
1. Apporter des phyto-oestrogènes, mais de façon progressive, car ils ont un effet prébiotique et peuvent entraîner un inconfort digestif (ballonnements). Il est prudent, si vous n’avez pas l’habitude d’en consommer, de commencer par de petites quantités et de les augmenter très progressivement.
A. AU MENU :
- soja (lait de soja, tempeh, tofu, miso, natto, flocons de soja…). Le seul point d’attention est lorsque vous êtes en hypothyroïdie. Vérifiez par une prise de sang que vous prenez suffisamment d’iode et consommez le soja à distance de votre traitement ;
- graines de lin réduites en farine (à ajouter dans un yaourt de soja, par exemple) ;
- céréales : avoine, seigle, sarrasin, millet, orge…
2. Avoir une alimentation riche en prébiotiques et « candidats » prébiotiques*, comme le thé vert, les oméga 3 (sardine, maquereau, hareng…), épices – tels le curcuma, la cannelle…
* Candidat prébiotique signifie qu’un effet prébiotique est produit.
3. Apporter des probiotiques (bactéries lactiques principalement) : par des yaourts, fromages au lait cru, aliments lactofermentés… ou un complément alimentaire.
4. Envisager de prendre des compléments de phytothérapie adaptés aux symptômes. Mais, attention, s’ils sont efficaces, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas tous sans risque, loin de là . Voici quelques conseils afin de vous guider sans mettre votre santé en danger :
a. Contre les bouffées de chaleur : soja, pollen, huile d’onagre (1 g par jour) ;
b. Pour favoriser un meilleur sommeil et mieux gérer le stress : passiflore, valériane, eschscholtzia…
c. Contre l’anxiété : mélisse ;
d. Contre la rétention d’eau : queue de cerise, reine des prés, extrait de pépins de raisin, vigne rouge…
Les autres compléments ou huiles essentielles, tels la sauge sclarée, l’actée à grappe noire, le houblon, le trèfle rouge, sont aussi très efficaces mais devraient être pris sur conseil d’un professionnel de santé.
5. Quelques petits conseils supplémentaires
a. Assurer des apports suffisants en vitamine E (huile de germe de blé, oléagineux, graines…) et en vitamine D (supplémentation quotidienne) ;
b. Avoir des apports suffisants ou se supplémenter en magnésium ;
c. Bouger : l’activité physique réduit le nombre et l’intensité des bouffées de chaleur et favorise un bon moral en plus d’une meilleure santé métabolique ;
d. Éviter :
- de fumer,
- un excès de café,
- de manger très gras,
- les pesticides,
- l’alcool en excès.
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Véronique Liesse
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