Il y a des années, avec mon premier voilier – de 9,33 m de long – nommé Alpha, le mât de 10 m allongé sur le pont, moi-même enceinte de 7 mois de ma première fille, j’ai vécu un passage qui a marqué profondément mon esprit.
Partie du nord des Pays-Bas, après avoir traversé, par canaux et rivières, la Belgique et le nord de la France jusqu’à Paris, le canal de Bourgogne, construit en 1825/1832, long de 242 km, nous permettait d’accéder au Rhône, qui nous conduirait en Méditerranée, puis autour du monde.
Ce tunnel de 3,333 km de long, inclus dans un bief de 5 km, était un vrai cauchemar. Sachez que, longtemps, les petites péniches mettaient 10 heures à le parcourir. Puis un remorquage a réduit ce temps à deux heures.
Les difficultés sont un plafond très bas, que je pouvais toucher en levant les bras, une profondeur très faible, telle que la quille du bateau devait rester très au milieu du canal pour ne pas s’enliser sur les côtés, un canal très étroit et de plus sans aucun éclairage.
Ma claustrophobie, ajoutée à la difficulté à maintenir le bateau exactement au bon endroit, dans le noir, et à ma sensibilité liée à la grossesse, l’absence totale de projecteur sur notre bateau qui ne possédait qu’une très petite lampe à pétrole m’obligèrent à me concentrer de toutes mes forces sur un minuscule petit point blanc, qui finit par apparaître après une bonne demi-heure d’angoisses.
Car, au début, nous ne voyions que du noir, cerné de risques d’enlisement. Il faut y ajouter l’absence totale de téléphone ! Aucun moyen pour appeler au secours, et une rare circulation sur ce canal à cette époque.
Avec notre petit moteur, allié aux risques encourus, il nous fallut près de 2 heures pour parcourir les 3 kilomètres.
Cette image est restée gravée à jamais dans ma mémoire. Quand on me parle de bout du tunnel, cela résonne très fort en moi.
Or, en ce moment, nous sommes dans un tunnel. Nous sommes en train de deviner la très petite lumière blanche, tout au bout.
Beaucoup d’entre nous ne la voient pas encore. C’est que leur bateau est parti un peu après le nôtre. Ils nous suivent.
Se maintenir exactement au milieu du canal demande une extrême vigilance de tous les instants. Mais tous avancent inéluctablement vers la sortie, vers la lumière, et chacun de nous possède une longue amarre, prête à être lancée au suivant, s’il se trouve en difficulté.
Nous ne laisserons personne enlisé sur un bord du canal.
Et lorsque nous en serons tous sortis, nous pourrons tous nous serrer dans les bras pour une immense fête, comme nous savons le faire pour Noël, pour partager notre joie en n’oubliant personne ! Car le vrai partage est ce moment de mystère où, par tradition, on reçoit un cadeau venu du ciel, anonyme.
Celui qui donne ne se montre pas, celui qui reçoit remercie tous les humains qui l’entourent. Ceux qui n’ont pas les moyens d’offrir ne sont pas humiliés. Et leur coeur est aussi remercié.
Si cette manière de donner et de recevoir a disparu dans certaines contrées où les enfants et les adultes font leurs commandes et doivent remercier chaque donateur, il existe encore des milliards d’êtres humains qui ont gardé le sens du présent anonyme, celui qui fait du bien à tous !
Voilà exactement la meilleure fin d’année que je nous souhaite à tous, avec l’écolomag.
France Guillain
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