Le docteur Catherine Rossi, chirurgien-dentiste, pratique une approche holistique des soins dentaires depuis plus de 30 ans. À l’occasion de la sortie de la 3e édition de son livre Le Dicodent, Catherine Rossi a eu la gentillesse de répondre à nos questions. |
Pourquoi un Dicodent ?
Dès le début de mon exercice, j’ai réalisé que, lorsque des patients comprenaient ce qui se passait dans leur bouche, ils comprenaient aussi ce qu’on allait leur faire, et surtout quels allaient être les bénéfices et les conséquences d’un traitement dentaire : les peurs, les craintes et les suspicions s’apaisaient. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’un réel partenariat peut se créer entre le patient et le soignant. Et, pour moi, c’est là que commence la vraie santé. Donc ce livre a été écrit dans le but d’informer les patients et qu’ils puissent créer un vrai lien de confiance avec leur chirurgien-dentiste.
Pourquoi avoir commencé ce dictionnaire par le mot Amour ?
Eh bien parce que je suis convaincue que, pour avoir de bonnes dents, il faut les aimer. C’est comme une relation : si vous n’en prenez pas soin, si vous ne cessez de la critiquer, de dire qu’elle est moche, qu’elle passe son temps à vous faire du mal, que c’est le cauchemar de votre vie, qu’elle est mauvaise, cette relation n’aura pas beaucoup d’avenir et elle vous pourrira la vie jusqu’à en sortir. Les dents, c’est pareil : si vous n’en prenez pas soin avec amour, elles vont vous faire souffrir et iront même jusqu’à dégrader votre santé car elles ne font que répondre à l’énergie que vous leur envoyez. C’est une loi de la nature.
Quelle est la différence entre parodontite et parodontose ?
Ce sont des termes anciens, car il y a maintenant une nouvelle nomenclature pour qualifier les différents stades de la maladie parodontale ; mais j’ai gardé ces termes car je les trouve très explicites pour les patients. La parodontite, comme tous les termes médicaux finissant par -ite, est inflammatoire. Elle est une réaction de l’organisme à une agression. C’est souvent la plaque bactérienne, le tartre qui commencent à enflammer la gencive. Avec le temps, sans détartrage, la situation dégénère et c’est tout le parodonte – c’est-à-dire l’os et les tissus qui entourent les racines dentaires – qui va s’enflammer, s’infecter et se dégrader.
Quant à la parodontose, on a plus une notion dégénérative, sans infection ni inflammation, un peu comme l’ostéoporose ou l’arthrose. C’est le signe d’une grande déminéralisation, due à des carences minérales, carences vitaminiques. Généralement, l’hygiène dentaire est bonne, mais la parodontose peut se transformer en parodontite si la plaque bactérienne et le tartre s’accumulent. Mais, malgré cette bonne hygiène dentaire, la parodontose a une évolution lente, les dents se déchaussent, on voit apparaître les racines dentaires, ce qui rend souvent les dents sensibles au chaud et au froid ; à part traiter le terrain pour reminéraliser l’organisme d’une manière générale et pour stopper le processus de dégradation, il y a peu de choses à faire au niveau local.
Pourquoi la mastication est-elle aussi importante ?
En fait, la mastication est importante à surveiller dès l’apparition des dents car elle participe à la croissance des maxillaires. C’est ce qui permettra à toutes les dents de se mettre correctement sur l’arcade. Ne croyez pas les personnes qui vous disent que votre enfant a hérité des petites mâchoires de la maman et des grosses dents du papa ! La nature ne crée jamais de telles aberrations sans avoir besoin de s’adapter à un environnement délétère.
La mastication a également un rôle sur le cerveau et les fonctions cognitives. De nombreuses études ont montré qu’une bonne mastication facilite la mémoire et les capacités d’apprentissage, augmente la concentration et les facultés cognitives. Il faut prendre en compte également tous ces aspects chez les personnes âgées, la mastication ayant été mise en avant comme un facteur de prévention des démences et de la maladie d’Alzheimer. C’est pour cela qu’il est important de garder toutes ses dents le plus longtemps possible et, en tout cas, de remplacer des dents absentes et de s’assurer que la mastication est efficace quand on reconstitue des prothèses chez les personnes âgées.
Sommes-nous tous égaux face à la formation de tartre ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que, pour que le tartre se forme, il doit y avoir de la plaque bactérienne. La plaque bactérienne est ce dépôt blanchâtre et grumeleux qui se dépose 24 h/24 sur nos dents et que nous sommes censés enlever en totalité lors du brossage dentaire. Si la plaque dentaire n’est pas ôtée correctement, c’est-à-dire pas enlevée partout bi-quotidiennement, au bout de quelque temps, elle se transforme en tartre. Les minéraux de la salive colonisent cette plaque bactérienne et la transforment en tartre. Et c’est là où la spécificité de chacun intervient. Certaines personnes créeront du tartre dès 6 heures de présence de plaque bactérienne et d’autres n’en créeront jamais ; mais une chose est sûre : s’il n’y a pas de plaque bactérienne, il n’y aura jamais de tartre.
Qu’est-ce que la réflexologie des dents ?
De nombreux praticiens très curieux – principalement allemands – ont, au début du siècle dernier, observé qu’après avoir soigné ou extrait certaines dents, des pathologies générales avaient disparu. En alliant leurs savoirs et leurs observations cliniques, ils ont remarqué que chaque dent était en lien avec un méridien d’acupuncture. Ainsi, les incisives correspondent aux méridiens rein et vessie, les canines aux méridiens foie et vésicule biliaire, les prémolaires du haut et les molaires du bas correspondent aux méridiens poumons et gros intestin, les molaires du haut et les prémolaires du bas à rate, pancréas, estomac. Concernant les dents de sagesse, elles sont en lien avec coeur, intestin grêle, triple réchauffeur et maître du coeur. Il suffit de savoir quels sont les organes et les fonctions qui sont régis par ces différents méridiens et d’observer s’il y a des liens entre la pathologie sur la dent qui passe par ce méridien et les éventuels organes ou fonctions affectés. Mais les tableaux de réflexologie dentaire sont aussi la compilation des observations cliniques des praticiens, qui, pendant des années, ont noté les améliorations de santé qu’ils ont obtenues après avoir prodigué des soins dentaires.
Dévitaliser une dent ou l’arracher ne sont pas des actes anodins. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?
En effet, certaines personnes font à leurs dents ce qu’elles n’accepteraient pas que l’on fasse au reste de leur corps. Comme vous le dites, dévitaliser ou arracher une dent ne sont pas des actes anodins, mais les dentistes ne peuvent faire qu’avec ce que les patients leur apportent. Quand une carie a atteint le nerf, nous ne pouvons rien faire d’autre que de dévitaliser. Lorsqu’une dent est tellement cariée que les racines sont infectées et fragilisées de manière irréversible, nous n’avons d’autres options que l’extraction. Quand une carie est trop profonde, on devrait tout faire pour éviter la dévitalisation ; mais, parfois, les dents continuent de faire mal malgré un soin consciencieux et, au final, on est quand même obligé de dévitaliser. Certains patients ne sont pas contents, mais j’ai envie de leur dire, avec toute ma bienveillance, qu’il fallait y penser avant et ne pas attendre si longtemps avant de faire soigner sa carie.
En tout cas, si une dent doit être dévitalisée, je vous conseillerais de prendre cet acte très au sérieux et, éventuellement, de le faire pratiquer par un spécialiste appelé endodontiste, afin de minimiser les risques de séquelles infectieuses à l’intérieur des racines. Car le vrai risque des dents dévitalisées est que des bactéries restent à l’intérieur et finissent par diffuser dans tout l’organisme. De même, lorsque l’on perd ses dents, il faut absolument les faire remplacer pour éviter de perturber l’équilibre global de la bouche et du corps. Une dent absente provoque le déplacement de toutes les dents à côté, je dirais même de toutes les dents, qui cherchent à recréer un nouvel équilibre, qui mène très souvent à des déséquilibres chroniques. La mastication n’est plus efficace, cela peut provoquer des douleurs au niveau des articulations temporo-mandibulaires, des risques d’acouphènes et, surtout, des douleurs dans tout le schéma postural, du crâne à la plante des pieds, en passant par tous les étages de la colonne vertébrale.
C’est ce que l’on appelle un déséquilibre de l’occlusion.
Existe-t-il un lien entre le stress et notre santé bucco-dentaire ?
Oui, le stress provoque une acidose. L’acidose provoque une déminéralisation. Les premières parties du corps qui sont déminéralisées sont les dents et l’os alvéolaire, qui entoure les racines dentaires. Ensuite, ce sont tous les os du squelette qui souffriront de cette déminéralisation. Caries et maladie parodontale sont donc accélérées par le stress. Entre autres, cette acidose provoque également une inflammation, qui augmente la gravité de la maladie parodontale.
Qu’est-ce que la dentosophie ?
Son créateur, Michel Montaud, vous en parlerait mieux que moi. Dentosophie signifie « sagesse des dents ». Chaque dent joue un rôle particulier dans l’équilibre global de la bouche, un rôle physique, un rôle métabolique et aussi un rôle émotionnel. Les dents sont les messagères de notre inconscient. Leurs pathologies sont leur manière de nous parler. La douleur, la fracture, l’infection, la malposition, l’extraction sont autant de maux pour dire des mots.
En conclusion, j’aimerais vous dire : « Aimez vos dents comme vous aimeriez être aimé·e. » Vos dents sont les meilleures alliées de votre santé, de votre force de vie, de votre bien-être, tant physique, métabolique, psychique qu’émotionnel. Prenez-en soin, elles vous le rendront au centuple.
Le docteur Catherine Rossi est chirurgiendentiste, auteure et formatrice en dentisterie globale et naturelle, fondatrice et responsable scientifique du blog www.naturebiodental.com
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