Home / / Le surprenant lien entre le ventre et le cerveau

Le Dr Emeran Mayer, professeur de médecine et directeur du centre de neurobiologie du stress à l’UCLA (Californie), a été le président fondateur des centres collaboratifs pour la médecine intégrative de cette université et codirecteur du CURE (Centre de recherches sur les maladies digestives). Il partage son temps entre la médecine, la physiologie et la psychiatrie. Au travers d’un ouvrage passionnant, il nous raconte le lien fascinant qui existe entre le ventre et le cerveau… Nous avons eu l’honneur de lui poser quelques questions.

Par quels travaux a été mis en évidence le lien cerveau et intestin ?

Plusieurs séries d’études ont été réalisées sur des souris et des rats, lesquelles démontrent que les comportements émotionnels, sociaux, nociceptifs (liés à la douleur) et alimentaires de ces animaux sont d’une certaine façon liés au microbiote intestinal. Les études ont été menées de différentes manières :

  • Comparaison du comportement d’animaux sans bactéries avec celui d’animaux ayant un microbiote normal.
  • Comparaison entre des animaux après traitement avec des antibiotiques à large spectre et des animaux témoins.
  • Observation des effets de la prise de probiotiques sur le comportement.
  • Observation du comportement des animaux sans bactéries après l’administration de bactéries fécales provenant d’un animal ayant un comportement différent.

Quelques-uns de ces résultats soulignent l’influence du microbiote sur le comportement des rongeurs.

Quelles découvertes ont été faites pour que l’intestin devienne, en quelques années, un super-ordinateur doté d’une grande intelligence, au point de devenir notre « second cerveau » ?

Dans mon livre, j’expose le concept du cerveau en tant que super-ordinateur, qui reçoit une quantité impressionnante d’informations, chaque millième de seconde, en provenance de l’intestin – mais aussi du reste de l’organisme –, enregistre une grande partie d’entre elles et apporte en contrepartie les réponses les plus adaptées à l’ensemble des différentes données reçues.

L’intestin et son microbiote jouent un rôle majeur dans ce système car ils fournissent au cerveau un nombre très important d’informations issues des microbes en réponse à ce dont ils se nourrissent.

Comment l’intestin est-il connecté au cerveau ?

Plusieurs voies de communication parallèles sont présentes entre l’intestin et le cerveau : de l’intestin vers le cerveau, il existe des circuits hormonaux, inflammatoires (cytokines et autres molécules inflammatoires) et nerveux (nerf vague).

Et du cerveau vers l’intestin, on recense des circuits neuronaux (système nerveux autonome) et hormonaux (hormones du stress).

Cette organisation garantit que les perturbations de l’axe cerveau-intestin mettent toujours en relation, à la fois et simultanément, le cerveau et l’intestin ; ce qui signifie que la communication est toujours bidirectionnelle.

Comment expliquez-vous que 95 % de notre sérotonine soient stockés dans notre intestin ?

Il est difficile de répondre parce que nous ne connaissons sûrement pas encore tout le processus.

La sérotonine assure en effet une fonction majeure sur la modulation du système nerveux entérique (intestinal) et, à travers cette action, influence la motilité (l’ensemble des mouvements spécifiques à un organe) intestinale et les sécrétions.

La sérotonine est déversée dans l’intestin, où elle peut affecter le comportement de la flore intestinale.

La sérotonine sécrétée est utilisée par les plaquettes, puis acheminée vers les autres organes, dont les os. Enfin, les cellules de l’intestin contenant de la sérotonine possèdent des connexions très étroites avec le nerf vague, qui transmet le signal à l’intestin.

Il est probable que cette activation du nerf vague par la sérotonine et le signalement aux centres de régulation du cerveau soient les plus importants, par lesquels un régime ou des microbes peuvent impacter la quantité de sérotonine produite puis libérée.

Par conséquent, la meilleure réponse à apporter à cette question serait que la majeure partie de la production de sérotonine et son stockage s’effectuent dans l’intestin, puisqu’elle a besoin de se trouver à proximité des aliments ingérés et de notre flore intestinale.

Quelle place tient la sérotonine dans les échanges intestins/cerveau ?

Comme évoqué précédemment, la sérotonine libérée par les cellules dans l’intestin agit sur les terminaisons du nerf vague, qui transmettent le signal directement aux zones autonomes et limbiques du cerveau.

Quels troubles peuvent survenir lors de l’altération du lien cerveau/intestin ?

Il existe aujourd’hui une liste de plus en plus longue de perturbations possiblement liées aux désordres du microbiote, parmi lesquelles la maladie de Parkinson, le syndrome de l’intestin irritable, les troubles du comportement alimentaire – tant l’obésité que l’anorexie –, l’autisme…

Comment le microbiote peut-il influer sur nos émotions ?

La preuve de l’existence de ce phénomène provient presque exclusivement d’études sur des animaux, et nous devons rester prudents afin de ne pas extrapoler trop rapidement ces expérimentations, réalisées sur des souris, à des troubles du comportement émotionnel chez les humains.

Je pense que nous avons publié la seule étude qui ait montré un impact du microbiote intestinal sur les systèmes cérébraux impliqués dans les émotions en réponse à l’ingestion de probiotiques.

Cependant, il est évident que le cerveau peut intervenir sur nos émotions, en déclenchant par exemple la sensation de bien-être après l’ingestion d’un bon repas ou celle de faim quand l’intestin est vide.

Ces sensations sont produites par les hormones, libérées par les cellules intestinales et qui rejoignent le cerveau via la circulation sanguine ou via le nerf vague.

Les cellules contenant ces hormones répondent aux signaux envoyés par certaines bactéries intestinales. Si l’on prend en considération le rôle essentiel des bactéries intestinales sur la production de sérotonine et l’activation du nerf vague, il est fort probable que certaines émotions, comme le bien-être et le mal-être, soient influencées par le microbiote intestinal.

Vous parlez dans votre ouvrage du langage microbien. Kézako ?

Il existe des preuves suffisantes pour affirmer que les microbes ont développé plusieurs mots du langage biologique universel, lesquels sont par ailleurs utilisés par nos systèmes endocrinien et nerveux.

Plusieurs de nos neurotransmetteurs humains ont des équivalents chez les substances microbiennes neuroactives.

Les micro-organismes – microbes, virus et champignons – sont les plus anciennes et les plus performantes des formes de vie présentes sur notre planète, et existaient déjà 4,5 milliards d’années avant l’apparition des premières espèces animales. On estime que les microbes ont 400 fois plus de gènes que les humains, ce qui leur confère une capacité exceptionnelle à créer de nouveaux « mots ». Plusieurs de ces gènes pourraient avoir été convertis en cellules intestinales ou neuronales spécialisées, permettant de ce fait à toutes ces cellules de produire des molécules de signalisation.

Quel rôle jouent les microbes dans la communication intestin/ cerveau ?

Les microbes intestinaux se situent à l’interface entre les signaux en provenance du cerveau via le système nerveux autonome, et entre les signaux qui reviennent au cerveau par les voies de communication déjà présentées précédemment.

Dans mon livre, j’ai utilisé comme exemple le fait que les microbes intestinaux peuvent écouter les conversations qui existent entre notre intestin et notre cerveau, et influencer ainsi la communication.

Site web du Dr Mayer :
http://emeranmayer.com
(site en anglais)

 

Pour aller plus loin

La connexion Cerveau Intestin

L’intestin au secours du cerveau

L’intestin, notre deuxième cerveau

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